L'histoire du Taekwondo

Les Origines du Taekwondo

L’homme possède, par nature, l’instinct de préserver sa vie et celle de son espèce. Dans les temps anciens, il ne disposait que de son corps, et principalement de ses mains, pour se défendre. Il a donc, de manière instinctive, développé des techniques de combat à mains nues. À cette époque, les hommes observaient la nature et s’inspiraient de leur expérience face aux animaux. Ils analysaient les mouvements de défense et d’attaque de ces derniers pour en tirer des enseignements, posant ainsi les bases de ce qui deviendra plus tard les arts martiaux. C’est dans cette logique que se seraient développées les premières formes de combat en Corée, parmi lesquelles on retrouve le Subak, le Taekkyon, le Takkyon et d’autres styles anciens. Ces pratiques sont aujourd’hui considérées comme les racines du taekwondo moderne.

À la fin de l’Antiquité, trois royaumes se partagent la péninsule coréenne : Koguryo, Paekje et Silla. Constamment en rivalité pour l’hégémonie régionale, chacun d’eux développe sa puissance militaire en formant des guerriers hautement entraînés. Les récits historiques coréens relatent l’existence de figures militaires marquantes parmi les dirigeants de ces royaumes, reconnues pour leur bravoure et leur expertise martiale. Ces personnalités ont largement contribué à la tradition guerrière qui influencera plus tard le développement des arts martiaux coréens.

Ainsi, des groupes de jeunes guerriers virent le jour, tels que les Hwarang à Silla et les Sunbae (ou parfois appelés Chouisonin) à Koguryo. Ces élites militaires adoptaient l’entraînement martial comme l’un des piliers fondamentaux de leur formation, aux côtés de l’éducation morale, stratégique et culturelle. L’importance des arts martiaux dans la tradition coréenne est également attestée par un célèbre manuel militaire, le Muye Dobo Tongji, compilé au XVIIIe siècle. Ce traité décrit notamment : "Le taekwondo est la base des arts martiaux, car il développe la force à travers l’usage libre des mains et des pieds, en entraînant les bras, les jambes et le corps entier pour faire face à toute situation critique." Bien que le taekwondo moderne soit une synthèse de traditions anciennes et d'influences plus récentes, on peut considérer qu’il puise ses racines dans les pratiques martiales développées à l’époque des royaumes tribaux de la péninsule coréenne.

Le royaume de Silla, fondé en 57 av. J.-C. dans le sud-est de la péninsule coréenne, et le royaume de Koguryo, établi en 37 av. J.-C. dans la région nord, le long de la rivière Yalu, accordaient une grande importance à la formation martiale de leurs jeunes élites. Ils élevaient leurs enfants dans l’objectif d’en faire de puissants guerriers, appelés respectivement Hwarang à Silla et Sonbae (ou Sunbae) à Koguryo. Ces jeunes guerriers recevaient une éducation complète, incluant la stratégie, la morale, les arts et bien sûr, l’entraînement physique et martial. Il est fort probable que des pratiques similaires à celles du taekwondo, impliquant l’usage des poings et des pieds, figuraient déjà parmi les formes d'entraînement fondamentales à cette époque.

"Sonbae" et Taekkyon de Koguryo

Le royaume de Koguryo fut fondé dans la partie nord de la Corée, à proximité des tribus hostiles de la dynastie Han, installées au nord de la frontière. Dès sa création, face à ces menaces extérieures, le royaume mit en place un puissant corps de guerriers d’élite appelé Sonbae, destiné à consolider sa défense et à asseoir son autorité sur la région.
Selon les spécialistes de l’histoire coréenne, le terme Sonbae désignait un homme vertueux, courageux et loyal, qui ne reculait jamais devant un combat. Ces guerriers représentaient l’élite morale et militaire de la société de Koguryo, incarnant un idéal de droiture et de bravoure. Plus tard, un ouvrage historique datant de la dynastie Joseon (Chosun) évoque la vie culturelle à l’époque de Koguryo : "Chaque année, le 10 mars, les habitants se réunissaient sur un site rituel pour assister à des danses à l’épée, des compétitions de tir à l’arc et des concours de Subak (Taekkyon)." Ce témoignage suggère que le Subak, ancêtre reconnu du Taekkyon, et par extension du Taekwondo moderne, occupait une place importante dans les rituels festifs et les pratiques martiales de Koguryo. Il s’agissait non seulement d’un entraînement physique, mais aussi d’un événement culturel valorisé au sein de la communauté.

Le royaume accorda donc une grande importance au Taekkyon, considéré comme la base des arts martiaux à cette époque. Cette priorité est confirmée par plusieurs peintures murales découvertes dans des tombes datant de la période de Koguryo. Ces fresques constituent des preuves précieuses du rôle culturel et martial du Taekkyon dans la société ancienne. L’une des plus célèbres, retrouvée dans le tombeau de Samsil, illustre une scène de lutte coréenne dans laquelle on distingue clairement des postures et mouvements typiques du Taekkyon. On peut en déduire que le défunt était soit un pratiquant de cet art martial, soit honoré à travers des rituels funéraires intégrant danses traditionnelles et démonstrations martiales.

"Hwarang" et Taekkyon de Silla

Le royaume de Silla, fondé dans le sud-est de la péninsule coréenne, ne faisait face à aucune menace extérieure immédiate lors de sa création. Cependant, avec l’émergence du royaume de Paekje à l’ouest et les premières incursions de Koguryo depuis le nord, Silla fut contraint de renforcer sa défense. Ce contexte géopolitique l’amena à développer ses capacités militaires et à accorder une place croissante aux arts martiaux dans la formation de ses guerriers.

Le "Hwarangdo" est l’exemple emblématique de l’art martial propre au royaume de Silla, comparable au système du Sonbae développé à Koguryo. Les jeunes Hwarang recevaient une formation complète, fondée sur des valeurs telles que la piété filiale, la loyauté et le sacrifice de soi, dans le but de former non seulement des guerriers, mais aussi des futurs dirigeants empreints de droiture morale. Parmi les figures les plus célèbres issues des Hwarang, on compte Kim Yu-Sin et Kim Chun-Chu, deux personnages historiques majeurs qui ont joué un rôle déterminant dans l’unification des Trois Royaumes de Corée au VIIe siècle.

Les Chroniques du Vieux Chosun décrivent avec précision la vie des membres du Hwarangdo : "Les Hwarang étaient sélectionnés par le royaume à l’issue d’un concours. Une fois choisis, ils vivaient en communauté, se consacrant à l’apprentissage, à la pratique du Subak (forme ancienne du taekwondo), de l’escrime, de l’équitation, ainsi qu’à divers jeux, dont la lutte. Ils étaient toujours prêts à sacrifier leur vie en temps de guerre." Cette description met en lumière la formation complète et exigeante des Hwarang, fondée sur la discipline martiale, l’éducation intellectuelle et un idéal de loyauté absolue envers le royaume.

Les Hwarang étaient particulièrement influencés par les principes bouddhistes dans leur pratique des arts martiaux. Les statues en bronze exposées au musée de Gyeongju témoignent de l'importance de ces disciplines martiales dans les temples, représentant des figures humaines dans des postures tant défensives qu'offensives. L’une de ces statues, celle de Kumgang Yoksa, montre un poing en position de défense qui ressemble exactement à la forme d’un "Jungkwon" (poing droit), un mouvement caractéristique du Taekwondo moderne. De plus, cette même statue illustre également le "Pyon Jumok" (poing plat) d’aujourd’hui, ainsi que l’utilisation des jambes, qui sont un élément fondamental dans les techniques de Taekwondo actuelles. Ces représentations sculptées offrent ainsi une preuve tangible de la continuité des pratiques martiales à travers les siècles, tout en mettant en lumière l’influence bouddhiste sur l'approche des Hwarang.

À l’époque de Silla, les termes "Subak" (techniques des mains) et "Taekkyon" apparaissent souvent ensemble, ce qui suggère que les techniques de mains et de pieds étaient déjà utilisées dans les arts martiaux, une approche qui préfigure largement les principes du Taekwondo moderne. Ces deux pratiques, bien qu’elles aient évolué au fil du temps, partagent des éléments fondamentaux qui sont encore présents dans le Taekwondo aujourd’hui, comme l’utilisation des coups de pied et des techniques de défense et d’attaque avec les mains.

Transmission du Taekkyon de Koguryo à Silla

L'art du Taekkyon, après s'être popularisé à Koguryo, s'est également transmis à Silla. Cette diffusion peut être justifiée par les éléments suivants :
- Le mot "Hwarang" à Silla a une signification similaire à celle de "Sonbae" à Koguryo, désignant tous deux le corps des jeunes guerriers, ce qui se reflète dans leurs origines étymologiques.
- Les Hwarang et les Sonbae partageaient des structures organisationnelles et hiérarchiques semblables, avec des codes stricts de formation et d’éthique, renforçant leur rôle de guerriers disciplinés au sein de leurs royaumes respectifs.
- D’après les archives historiques, les Sonbae à Koguryo participaient régulièrement à des tournois de Taekkyon lors des festivals nationaux, et les Hwarang de Silla suivaient une tradition similaire en prenant part à des concours de Taekkyon (appelés aussi Subbak, Dokkyoni ou Taekkoni) lors de leurs festivités. Ces compétitions étaient non seulement un moyen de tester les compétences martiales, mais aussi un moyen de renforcer les liens sociaux et la cohésion nationale.
- Les techniques de Taekkyon ont été systématiquement développées et popularisées dans chaque royaume, et elles ont été intégrées à la culture locale. Les peintures murales des tombes de guerriers datant de cette époque témoignent de la prévalence de ces pratiques martiales, soulignant leur importance tant sur le plan militaire que culturel.

Il est également vrai que le Taekkyon, en se diffusant à Silla, a été développé en une véritable école d’arts martiaux, marquée par la division entre les techniques à mains nues et les techniques de pieds. Cette évolution peut être attestée par les sculptures antiques et les statues bouddhiques de l’époque, qui illustrent de manière claire et détaillée les différentes techniques de combat. Ces représentations témoignent de la sophistication des pratiques martiales, où les mouvements de jambes et de poings sont distingués et utilisés de manière complémentaire dans les arts martiaux.

Le Taekwondo au Moyen-Âge

La dynastie Koryo, qui a réuni la péninsule coréenne après la chute de Silla et a régné de 918 à 1392, a systématiquement développé le Taekkyon. Sous leur règne, le Taekkyon est devenu un test obligatoire dans les examens de sélection des militaires. Les techniques du Taekkyon ont évolué, gagnant en efficacité et en puissance, au point de devenir des armes mortelles capables de tuer un adversaire. Dans le cadre militaire, une combinaison de techniques appelée "Obyong-Subak-Hui" (combinaison Taekkyon de 5 soldats) a été introduite. Cette formation permettait d’exécuter des mouvements coordonnés en groupe, facilitant l’utilisation des techniques de Taekkyon dans des situations de guerre, notamment lors des affrontements sur le champ de bataille.

Au début de la dynastie Koryo, les compétences en arts martiaux étaient les seules qualifications requises pour devenir militaire, car le royaume avait un besoin urgent de capacités de défense après avoir réuni la péninsule coréenne. Un simple soldat maîtrisant les techniques du Taekkyon pouvait être promu général. Les jeunes étaient invités à participer à des tournois de Taekkyon, et ceux qui se distinguaient par leurs compétences étaient sélectionnés pour devenir officiers militaires. De nombreux exemples attestent que des jeunes maîtrisant le Taekkyon obtenaient des promotions importantes. À cette époque, des normes de jugement existaient déjà pour les tournois, ce qui prouve que le Taekwondo, dans sa forme originelle, remonte à ces temps anciens. Les Chroniques de la dynastie Koryo relatent un exemple célèbre : "Lors d'un concours de puissance des techniques de Taekkyon, Lee Yi-Min frappa un pilier d'une maison avec son poing droit, provoquant des vibrations dans les pièces du toit. Un autre pratiquant de Taekkyon réussit à percer un mur d'argile avec son poing."

Les rois de la dynastie Koryo portaient un grand intérêt au "Subakhui", le rendant obligatoire dans le cadre de la formation militaire. Cette mesure contribua à sa popularité croissante, non seulement parmi les soldats, mais aussi au sein de la population en général. En effet, chaque fois qu'un roi se rendait en visite d'inspection dans les villages, des tournois de Taekkyon étaient organisés, permettant aux habitants de démontrer leurs compétences martiales. Ces événements renforçaient le lien entre le pouvoir royal et le peuple, tout en favorisant la pratique et la diffusion des arts martiaux à travers le royaume.

Cependant, vers la fin de la dynastie Koryo, avec l’introduction de la poudre à canon et de nouveaux types d'armes, l'entraînement aux arts martiaux a commencé à décliner. La nécessité de formations martiales strictes s’est estompée à mesure que de nouvelles technologies militaires prenaient le dessus. Le Subakhui, auparavant un élément clé de la formation des soldats, s'est transformé au fil du temps en un jeu folklorique, préservé principalement sous forme de tradition à transmettre aux générations futures. Cette évolution a conduit à la préservation du Subakhui jusqu'à la période moderne, durant la dynastie Joseon, où il est devenu une forme de pratique culturelle et d'expression populaire.

Le Taekwondo dans les temps contemporains

À l'époque contemporaine de la Corée, couvrant la dynastie Joseon (ou Yi) (1392-1910), la période de la Corée impériale, et la domination coloniale japonaise jusqu'en 1945, le Taekwondo était plutôt désigné sous le nom de "Subakhui" que de "Taekkyon". Durant cette période, l'art martial coréen a subi un déclin en raison de la modernisation des armements et de la perte de soutien gouvernemental. La montée en puissance des armes à feu et la transformation des méthodes de guerre ont rendu l'entraînement aux arts martiaux moins prioritaire aux yeux des autorités. En conséquence, le Subakhui a progressivement perdu son rôle central dans la formation militaire et est devenu une forme de pratique plus symbolique et folklorique, bien loin de son rôle originel dans les armées coréennes.

La dynastie Yi (Joseon) a été fondée sur l'idéologie confucéenne, ce qui a conduit à un rejet des festivités bouddhistes et à une valorisation de l'art littéraire au détriment des arts martiaux. Cependant, malgré cette orientation confucéenne, les annales de la dynastie Joseon relatent des histoires de tournois de Subakhui organisés par les autorités locales dans le but de sélectionner des soldats. De plus, certains rois prenaient plaisir à assister à ces compétitions lors de fêtes royales. Le ministère de la défense a également institué une règle selon laquelle un soldat devait être recruté s'il parvenait à battre trois adversaires lors des affrontements de Subakhui, ce qui témoigne de l'importance persistante de cet art martial dans la sélection des militaires, malgré le déclin général de son rôle dans la société.

Cependant, à mesure que l'organisation gouvernementale se développait, les responsables commencèrent à privilégier les luttes de pouvoir internes plutôt que de se concentrer sur l'intérêt de la défense nationale. Ce changement d'orientation conduisit progressivement à un désintérêt pour la promotion des arts martiaux, qui furent relégués au second plan au profit d'autres préoccupations politiques et administratives. Ainsi, bien que les arts martiaux aient joué un rôle crucial pendant les premières années de la dynastie Joseon, leur importance diminua à mesure que les priorités du gouvernement se déplaçaient vers le maintien du pouvoir et de l'ordre intérieur.
architecture, structure, palace, place of worship, korea, amphitheatre, temple, shrine, traditional, seoul, republic of korea, gyeonghuigung palace, the noble truce, the royal palace, joseon dynasty, the korean royal palace, historic site, outdoor structure, Free Images In PxHereCe n'est qu'à l'époque du roi Jeongjo, après l'invasion japonaise de la Corée en 1592, que le gouvernement a pris de nouvelles mesures pour renforcer la défense nationale, en relançant l'entraînement militaire et la pratique des arts martiaux. Cette période marqua un tournant dans l'histoire martiale du pays. Autour de cette époque, le Muyebodo-Tongji, un ouvrage illustré sur les arts martiaux, fut publié. Le quatrième volume de cet ouvrage, intitulé "Techniques de combat à mains nues", contenait l'illustration de 38 mouvements, qui ressemblaient aux poomsae et aux mouvements de base que l'on retrouve dans le Taekwondo moderne. Bien que ces mouvements ne soient pas directement comparables aux poomsae actuels, qui ont été modernisés et affinés grâce à des recherches scientifiques, ils représentent néanmoins une base solide pour les techniques martiales de l'époque.

Même pendant la domination coloniale japonaise, certains écrivains coréens célèbres, tels que Shin Chae-Ho et Choi Nam-Sun, ont continué à évoquer le Taekwondo, faisant référence à son héritage et à son évolution au fil du temps. Par exemple, Shin Chae-Ho écrivait : "Le Subak actuel qui prévaut à Séoul provient des Sonbae de la dynastie Koguryo." De même, Choi Nam-Sun soulignait que "le Subak, aujourd'hui similaire au Takkyon, était à l'origine un art martial, mais il est désormais principalement pratiqué par les enfants comme un jeu." Ces écrits révèlent non seulement l'importance historique du Taekwondo (ou Subak) mais aussi les transformations sociales et culturelles qu'il a subies au fil des siècles, notamment son passage d'une pratique martiale sérieuse à une activité plus ludique dans certains contextes.

Cependant, pendant la période de répression sous la domination coloniale japonaise, le gouvernement colonial a complètement interdit tous les événements folkloriques, y compris le Takkyon. Dans ce contexte de répression, l'art martial Taekwondo (ou Taekkyondo) a été transmis de manière secrète, principalement par les maîtres qui ont conservé et pratiqué cet héritage jusqu'à la libération de la Corée en 1945. Parmi ces maîtres, Song Duk-Ki, un pratiquant de l'époque, témoigne que son propre maître, Im Ho, était reconnu pour ses compétences exceptionnelles en Taekkyondo. Song raconte que Im Ho "sautait par-dessus les murs et courait à travers les bois comme un tigre", un témoignage qui illustre non seulement les capacités physiques de ce maître, mais aussi la vivacité et la résilience de l'art martial coréen durant ces années difficiles.

À cette époque, 14 modèles de techniques étaient utilisés dans la pratique du Taekkyondo, comprenant 5 coups de pied, 4 techniques de mains, 3 coups de paume de main, 1 coup de pied retourné et 1 technique impliquant l’ensemble du bas du corps. Une autre spécificité de cette période était l'utilisation du terme "Poom", qui désignait une position face à face, une posture de préparation avant le combat. Ces modèles de techniques étaient au cœur de l'enseignement du Taekkyondo, même en dépit des difficultés imposées par la répression. Les maîtres de Taekkyondo étaient en constante menace d'emprisonnement, ce qui a conduit à une disparition de l’art martial sous forme de jeux populaires. L’adhésion à ces traditions devenait ainsi un acte risqué, pratiqué principalement en secret pour préserver cette discipline précieuse face à la répression culturelle de l’époque.

Le Taekwondo d’aujourd’hui

À la libération de la Corée, après la fin de la domination coloniale japonaise et la Seconde Guerre mondiale, le peuple coréen a retrouvé un fort sentiment d'autonomie. Les jeux folkloriques traditionnels, y compris le Taekkyondo, ont commencé à regagner en popularité. Dans ce contexte, Song Duk-Ki, un maître de Taekkyondo, a réalisé une démonstration publique devant le premier président de la République de Corée, Syngman Rhee, à l’occasion de son anniversaire. Cette démonstration a marqué un tournant important en distinguant clairement le Taekwondo du karaté japonais, qui avait été introduit par les autorités coloniales japonaises pendant l'occupation.

Après la fin de la guerre de Corée (1950-1953), le Taekwondo a commencé à se populariser à travers tout le pays. Des experts en arts martiaux ont ouvert des dojangs (gymnases de Taekwondo) dans de nombreuses régions de la Corée, contribuant ainsi à sa diffusion rapide. Environ 2 000 maîtres de Taekwondo ont été envoyés dans plus de 100 pays pour enseigner cet art martial aux étrangers, ce qui a permis au Taekwondo de se répandre à l'échelle internationale.

En 1971, le Taekwondo a été officiellement désigné comme l'art martial national de la Corée. L'année suivante, en 1972, le Kukkiwon a été fondé pour servir de quartier général ainsi que de lieu pour diverses compétitions de Taekwondo.
Puis, le 28 mai 1973, la Fédération Mondiale de Taekwondo (WTF) a été créée, comptant 179 pays parmi ses membres. Toujours en 1973, les premiers Championnats du Monde de Taekwondo ont été organisés.
En 1974, le Taekwondo a été admis en tant qu'événement officiel aux Jeux Asiatiques. L'année suivante, en 1975, il a été accepté comme sport officiel par l'Union des Athlètes Amateurs des États-Unis et a également été reconnu par l'Association Générale des Fédérations Sportives Internationales. En 1976, des événements de Taekwondo ont été intégrés par le Conseil International des Sports Militaires.
En 1979, le président de la Fédération Mondiale de Taekwondo a été élu président de la Fédération Mondiale des Sports Non-Olympiques. En 1980, la WTF est devenue une fédération sportive reconnue par le Comité International Olympique (CIO), faisant du Taekwondo un sport olympique. L'adoption du Taekwondo comme épreuve officielle s'est poursuivie, d'abord avec les Jeux Mondiaux en 1981, puis les Jeux Panaméricains en 1986, et finalement avec son introduction aux Jeux Olympiques lors de l'édition de 2000 à Sydney, en Australie.

Les Championnats du Monde de Taekwondo ainsi que les Championnats du Monde de Taekwondo Féminin se tiennent tous les deux ans. Tous les membres réguliers de la Fédération Mondiale de Taekwondo (WT) sont éligibles à participer à ces compétitions, qu'il s'agisse de pratiquants masculins ou féminins.
Les Championnats du Monde Juniors de Taekwondo ont eu lieu pour la première fois en 1966. Depuis cette première édition, ces championnats se tiennent tous les deux ans.
La Coupe du Monde de Taekwondo, désormais appelée Coupe du Monde de Taekwondo par équipes, se déroule chaque année. Elle a eu lieu 12 fois entre 1986 et 2002, bien qu'il y ait eu quelques années où l'événement a été suspendu.
Les femmes ont participé pour la première fois aux quatrièmes championnats de Taekwondo en 1990. Le comité exécutif de la WTF a décidé le 15 juillet 2002 que ces championnats se tiendraient désormais tous les deux ans, sous le nom de World Cup Taekwondo Team Championships.

Philosophie du Taekwondo

L'esprit du Taekwondo, profondément ancré dans les pensées nationales traditionnelles, reflète l'âme collective du peuple, forgée par des siècles d'expériences partagées, où joie, colère, tristesse et plaisir se sont mêlés à travers les âges. Cet art martial ne se limite pas à des techniques de combat, mais incarne aussi des valeurs culturelles et philosophiques qui ont traversé l'histoire, liant chaque pratiquant à un héritage commun de résilience et de discipline.

L'esprit du Taekwondo est indissociable de l'héritage du Hwarangdo de Silla, une tradition imprégnée de plusieurs courants philosophiques et spirituels qui ont façonné l'identité coréenne. Il s'inspire de la philosophie "Seon" (vertuosité impeccable), un principe fondamental du peuple coréen, qui incite à la perfection morale et à la sagesse dans chaque action. À cela s'ajoutent les enseignements bouddhistes de protection nationale, qui encouragent la défense de l'intégrité et de la paix, ainsi que les valeurs confucéennes de loyauté et de piété filiale, qui favorisent l'harmonie sociale et familiale. Le Taoïsme, quant à lui, a contribué à la notion de performance tacite, c’est-à-dire une maîtrise calme et sereine des mouvements. Ces influences, réunies dans l'esprit du Hwarangdo, ont non seulement guidé les jeunes guerriers de Silla dans leur parcours martial, mais ont aussi été un catalyseur de l'unification des trois royaumes. Le Taekwondo, en héritant de cette philosophie, incarne non seulement un art martial, mais un moyen de renforcer le caractère, l'harmonie sociale et la défense de la nation.

Le Taekwondo ne se limite pas à l'acquisition de compétences physiques pour l'autodéfense ; il englobe également une dimension éthique et morale profonde. L'accent est mis sur l'acquisition de la maîtrise de soi, de l'intégrité et du respect des autres. Le pratiquant est appelé à honorer les principes de justice, à prendre conscience de ses responsabilités et à incarner des valeurs universelles telles que l'équité et l'harmonie. Cela va bien au-delà du simple aspect combatif ; le Taekwondo devient ainsi un moyen d'élever l'esprit et d'intégrer des principes de sagesse dans la vie quotidienne. En s'inspirant des traditions du Hwarangdo et des philosophies coréennes comme le confucianisme, le bouddhisme et le taoïsme, le Taekwondo enseigne que l'on doit être non seulement un combattant compétent, mais aussi une personne vertueuse. C'est un art martial où la discipline physique et l'éthique s'entrelacent, formant un équilibre nécessaire pour mener une vie équilibrée et juste. C’est un vrai modèle d’intégration des valeurs dans la pratique.

La philosophie de Hongik Ingan, qui peut se traduire par "bénéficier à l'humanité" ou "promouvoir le bien-être de l'humanité", représente un principe fondamental dans l'esprit du Taekwondo. Elle incarne l’idée d’utiliser ses compétences et ses capacités non seulement pour soi-même, mais pour le bien-être de l'ensemble de l'humanité, dans un esprit de paix et de bienveillance. L'application de cette philosophie dans le Taekwondo se traduit par un engagement envers la justice, l'intégrité et la responsabilité. Cela reflète une volonté de protéger la droiture et de toujours agir avec un sens aigu du respect envers soi-même et envers les autres. L’objectif n’est pas de dominer ou de nuire, mais d’aider à créer un environnement harmonieux, respectueux et pacifique, à travers une discipline rigoureuse et un esprit de solidarité. Ainsi, l'esprit du Taekwondo s'élargit bien au-delà du simple cadre martial pour devenir un mode de vie. Les pratiquants sont appelés à agir avec honneur et responsabilité, à utiliser leurs compétences pour aider et protéger les autres, et à incarner des valeurs positives dans leurs actions quotidiennes. C’est une philosophie de respect mutuel et de paix qui guide non seulement le pratiquant de Taekwondo, mais qui peut être appliquée à la vie de chacun, dans un esprit d’altruisme et de bienveillance envers l’humanité.